Il existe un hameau (de Bouchain) situé au confluent de l'Escaut et de la Sensée, qui s'appelle "le Bassin-Rond".
De nos jours on évoque surtout le "Centre de plein air du Bassin-Rond", lieu de détente, de plein air, bref de tourisme, étroitement lié au Centre Départemental de Plein Air, ou CDPA.
C'est un haut lieu touristique.
Il est administré par 4 communes (Bouchain, Estrun, Hordain, Paillencourt) et deux arrondissements (Cambrai et Valenciennes).
Mais par le passé, c'était un haut lieu de la batellerie, qui a une histoire très riche et souvent méconnue.
Voici donc résumée cette histoire, issue des témoignages de ses anciens occupants, des "passeurs d'histoire" tels Maurice Bétrancourt père et fils, M. et Mme Trioux, etc... et des recherches de passionnées telles Annie Bertout, Laetitia Deudon, Sandrine Dussart,.. et d'autres.
Implantation géographique
Situé dans le département du Nord entre Valenciennes et Cambrai, sur les communes de Bouchain, Estrun et Paillencourt.
Ce site fut le plus grand centre commercial fluvial de France, et son Histoire débute au milieu du XVIIIème siècle.
Haut lieu de la batellerie, on y trouvait des chantiers navals, mais également de nombreux commerces, signes d'une vie tournée vers le fleuve et ses habitants d'alors.
Le Bassin Rond est une plaque tournante/nœud de communication de deux voies navigables importantes, il assure la liaison entre l'Escaut canalisé et le canal de la Sensée.
Son creusement fut décidé à la fin du XVIIIe siècle. 3 voies furent prévues : vers Cambrai, vers Valenciennes et vers Douai. Les 2 premières voies diamétralement opposées, furent utilisables rapidement, mais la 3è fut conçue provisoirement et mise en service en 1820.
Il doit son nom à la forme de l'écluse (ou sas) qui, entre 1820 et 1853, assurait le passage des bateaux d'un canal à l'autre, et dans lequel une péniche pouvait y faire un tour complet.
Le changement de direction impliquait un pivotement de la péniche à l'intérieur d'un bassin circulaire (voir photo).
De nos jours, le bassin-rond est rectangulaire.
De la Satis au canal de l'Escaut
Jusqu'au IXe siècle, la Satis prenait sa source à Berles-Monchel, s'acheminait d'ouest en est et longeait le sud des collines d'Artois.
A la fin du IXè siècle, fut décidé par un personnage important de Douai, propriétaire d'un domaine situé dans les environs des sources de la Scarpe, de creuser un fossé pour établir une liaison entre les cours d'eau, puis de procéder à la dérivation intégrale des eaux de la Satis au bénéfice de la Scarpe.
Cette dernière prendra désormais sa source à Berles-Monchel et la Satis disparaitra.
La Sensée, à l'origine un affluent de la Satis, reprend alors son chemin vers l'est et rencontre une rivière-soeur à Bouchain : l'Escaut, alors appelée Scaldis.
C'est de Vauban qu'est venue l'idée du creusement du canal de la Sensée, après la réalisation du canal de la Deûle... les tout premiers travaux en 1690 se limitent à l'appronfidissement du moulinet...un siècle plus tard la décision est prise de compléter la grande ligne de navigation Paris-Mer du Nord et donc d'établir la jonction Scarpe-Escaut.
Cette idée réduirait le parcours de 65 km.
L'idée de canalisation de l'Escaut date de bien longtemps. L'Escaut fut utilisé comme voie navigable dès l'Antiquité, voire la Préhistoire.
Cambrai obtint l'autorisation de canaliser l'Escaut sur le tronçon la séparant de Valenciennes, par lettres patentes de Philippe IV roi d'Espagne, en 1650.
La période de plus en plus agitée et les guerres continuelles empêchent la réalisation de ce projet.
En 1724, M.Boulonville, ingénieur à Bouchain, relance l'idée du projet. Les premiers travaux débutent.
Suite aux crues nombreuses et dévastatrices, les riverains sont mis en demeure de curer la rivière. Mais face aux résultats peu encourageants, un arrêt du Conseil d'Etat du Roi est rendu le 27 juin 1725 ordonnant le nettoyage.
Un curage à même le fond est réalisé en 1750 dans le lit de l'Escaut.
Suivent durant deux ans le redressement des méandres de la rivière entre Cambrai et Estrun. Mais Valenciennes et Condé restent sous la menace des inondations. Il s'avère de plus en plus indispensable de canaliser l'Escaut.
Le 14 avril 1768, une ordonnance royale charge Pierre-Joseph Laurent de la direction des travaux, suivant ses propres plans.
Ses projets seront poursuivis jusqu'en 1784 par Laurent de Lyonne, neveu de Pierre-Joseph décédé en 1773.
Ainsi s'achève en 1782 la canalisation de l'Escaut entre Cambrai et Valenciennes, après deux siècles d'études et de négociations.
Puis vint le Bassin-Rond
En 1774 est achevée la construction du Bassin-Rond. Il a deux entrées principales diamétralement opposées, et une troisième ouverture perpendiculaire à l'axe des deux autres pour assurer la connexion du canal de la Sensée et celui de l'Escaut.
Cependant en 1777, le roi veut le faire détruire à des fins militaires, car jugé trop vulnérable et mal placé en cas d'assaut ennemi de la place forte de Bouchain. Il est alors proposé de le déplacer, mais heureusement plusieurs voix s'opposent à la destruction de ce nouveau système d'écluses. Le Bassin-Rond est sauvé.
La grande guerre au Bassin-Rond
Elle débuta au Bassin-Rond dès le 25 aout, d'après Cyriaque Dreumont .
"Le 26 aout, une partie de l'armée britannique fuit vers le sud, décide de résister à Le Cateau. Ces combats ralentissent l'armée allemande et permettent la retraite des autres forces britanniques et françaises.
Le Bassin-Rond, plaque tournante de la navigation fluviale, est un lieu stratégique : ponts qui franchissent l'Esaut et la Sensée, gare d'eau où stationnent environ 150 péniches commerciales... chargées de charbon, de céréales.
L'armée allemande, décuplée par ses effectifs de réservistes, surentrainée, est préparée à une éventuelle guerre depuis une trentaine d'années. ...
Les allemands s'infiltrent partout en France, ...
Le 25 au matin, le 2ème bataillon du 28ème RIT (régiment d'infanteries territoriales) se trouve dans les tranchées de Palluel... continue d'avancer vers Paillencourt...vers midi il se fait surprendre par l'ennemi, sur une ligne de front allant d'Oisiy-le-Verger à Estrun/Paillencourt...
Le 26, la journée fut terrible..dès 5H30 du matin, la fusillade crépitait...
vers 10H les Allemands se sont rendus maître du mont... 200 blessés des deux côtés, installés au chateau de la ROsière et dans l'église..."
Témoignage de Maurice Bétrancourt père : "le 26 aout, après une vive fusillade qui dura plusieurs heures, nous avons vu arriver des fantassins allemands reconnaissables à leur tenue gris/vert et leur casque à pointe.. les Uhlans... des soldats se détachaient pour visiter les habitations riveraines, fonçant les portes à coups de crosse de fusil..."
Une tragédie parmi tant d'autres ...
"..arrivés à la maison Brismée (la boulangerie), alors que la porte de devant était enfoncée, Melle Elisa Brismée, 20 ans, prise de peur, se sauvait par le derrière de son habitation..aperçue par un soldat allemand, elle était tuée d'une balle dans la tête...
Le calme revenu nous primes la décision de rentrer chez nous... en passant la rue basse à Estrun, nous nous heurtions à une patrouille d'Uhlans ...nous nous sommes réfugiés dans une habitation voisine..."
Mais l'histoire ne s'arrête pas là ... mais est trop longue pour paraitre ici, alors n'hésitez pas à vous procurer notre livre afin de la découvrir.